LIGNE DE MIRE DE L’AUTHENTIQUE : 28 novembre 2023, fête d’indépendance entre euphorie et deuil

Le 28 novemnre, une fête d'indépendance à double vitesse

PHOTOAIDARA

Pour la énième fois depuis plus de trente ans, la Mauritanie a célébré le 28 novembre 2023 son 63ème anniversaire entre la joie de ceux qui fêtent l’anniversaire de l’indépendance du pays et ceux qui pleurent, drapés de voiles du deuil, l’assassinat d’un proche lors de cette funeste nuit sacrificielle du 28 novembre 1990 lorsque 28 soldats négro-mauritaniens furent pendus à Inal

Ainsi, d’année en année, de fête d’indépendance en fête d’indépendance, le fossé s’élargit de plus en plus entre les orphelins et les veuves du pogrom des années 90 et les régimes successifs en Mauritanie.

Pourtant, plusieurs initiatives ont été prises par l’Etat mauritanien, en termes d’indemnisation, de réintégration de fonctionnaires, le pardon demandé par l’ex-président, le défunt Sidi Ould Cheikh Abdallahi ou encore la prière de Kaédi par l’ancien président, Mohamed Abdel Aziz.

Mais la justice transitionnelle demandée par les familles des victimes des évènements douloureux qui ont endeuillé la Mauritanie entre 1989 et 1991, connus sous l’appellation « Passif Humanitaire » n’a jamais été acceptée par les différents régimes qui se sont succédé à la tête du pays. Même la promesse de dévoiler les lieux de sépulture n’a été respectée.

C’est cette omerta voulue par l’Etat mauritanien, plus de trente ans après ces drames, qui continue de creuser le fossé entre la communauté Halpulaar, la plus endeuillée par ces massacres, et les régimes mauritaniens successifs.

C’est surtout l’abrogation de la loi d’amnistie de 1993, offrant l’impunité aux auteurs des massacres des années 90, qui est réclamée aussi bien par les ayants-droits des victimes que par plusieurs organisation de défense des droits de l’homme qui luttent incessamment pour clore définitivement ce douloureux dossier de l’histoire mauritanienne.

Pire, l’Etat mauritanien a toujours répondu par la force et la répression, le devoir de mémoire que les organisations d’orphelins et de veuves commémorent à chaque 27 novembre pour entretenir la flamme de leur deuil et rappeler au monde et à l’Etat mauritanien son devoir de rendre justice.

Jusque-là, la réponse de l’Etat mauritanien frise le mépris et même la provocation. Car, si beaucoup d’officiers, sous-officiers et soldats identifiés comme bourreaux ont quitté ce bas-monde, ceux qui sont restés ont été promus à des grades supérieurs ou à des postes électifs de prestige.

De quoi susciter davantage le courroux et la colère extériorisée des ayants-droits qui en plus de croiser chaque jour les bourreaux de leurs propres parents ou époux, devront souffrir encore de les voir promis crescendo à de hauts postes de responsabilité dans l’appareil administratif et militaire.

Si les autorités mauritaniennes comptent sur le temps comme facteur incitatif à l’oubli, les ayants-droits des victimes, enfants hier et jeunes filles à l’époques, ont grandi, sans oublier. Leurs descendants reprendront le flambeau jusqu’à ce que justice, même post-mortem des bourreaux, soit rendue et la réalité de ce qui s’est passé dans les mouroirs d’Inal, Azlat,Jreida, Sori-Malé, Wothié, soient dévoilés pour la postérité.

Cheikh Aïdara