Meeting Coalition Birame, rejet de la présidentielle et feuille de route pour tout remettre à plat
Le meeting de la coalition Birame du 21 juillet 2024
- Publié par Aidara cheikh --
- Tuesday, 23 Jul, 2024
Le meeting du dimanche 21 juillet 2024 à l’ancien aéroport de Nouakchott, organisé par la « Coalition Birame président 2024 », ensemble de mouvements et de partis politiques dont certains en gestation, a tenu toutes ses promesses. Un rassemblement monstre formé par des centaines de militants et partisans, des discours enflammés, une extraordinaire et discrète mobilisation policière. Fait marquant, une feuille de route en plusieurs points adressée au pouvoir pour tout remettre à plat.
Faute d’une autorisation pour une marche qui était prévue le jeudi 18 juillet 2024, la « Coalition Birame président 2024 » a finalement reçu en compensation, face à un pouvoir qui a dû lâcher du lest, un meeting qui a finalement eu lieu le dimanche 21 juillet 2024 à l’ancien aéroport de Nouakchott.
La mobilisation a rassemblé des centaines, voire plusieurs milliers de militants, partisans et curieux. L’estrade prévue pour les officiels était entourée par plusieurs barrières derrière lesquelles s’était agglutiné une foule immense que les organisateurs habillés en gilets jaunes avaient du mal à contenir.
Aux alentours, des dizaines de voitures, dont certaines serviront de perchoir, des bus et des camions dont les toits disparaissaient sous une avalanche humaine. Chaque fronton de dunes était pris d’assaut par des nuées de personnes qui ne voulaient rien rater du meeting qui battait son plein.
A l’intérieur du cercle délimitant l’espace réservé à l’estrade officielle, aux invités de marque, aux journalistes, quelques dizaines de militants qui étaient parvenus à se faufiler se mêlaient aux organisateurs qui peinaient pour maintenir l’ordre.
Des discours de réchauffe
Quelques minutes avant l’arrivée de Birame Dah Abeid, classé 2ème avec 22% des suffrages selon les chiffres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), confirmés par le Conseil constitutionnel, donnant le président sortant, Mohamed Cheikh Ghazouani, vainqueur avec plus de 56% des voix de l’élection présidentielle du 29 juin 2024, plusieurs leaders se sont succédé au micro. Saadani Seddoum, l’amazone du mouvement KAVANA, avait remporté la vedette grâce à une sortie qui résumait avec toute la puissance de sa rhétorique tout ce que ceux qui vont la suivre avait dit.
Un, la coalition Birame restera soudé derrière son leader, Birame Dah Abeid, et aucun membre de la coalition ne fera scission comme y travaille les officines du renseignement.
Deux, le refus catégorique des « résultats frauduleux de la présidentielle » et l’affirmation sans ambages que le vrai président de la République, c’est Birame Dah Abeid.
Successivement, Abdessalam Horma, président du parti Sawab, Samba Thiam, président des Forces populaires de changement FPC (parti non encore reconnu), les représentants de la CVE et de Fouta Tampi, entre autres, prendront la parole ainsi que le doyen Ladji Traoré et ses camarades transfuges du parti Alliance Populaire Progressiste APP. Tout le directoire de campagne du candidat est aussi passé au perchoir pour traduire l’aspiration du peuple mauritanien au changement, « un changement volé par le bourrage des urnes et les bureaux fictifs, les chantages des électeurs et les déplacements massifs de votants dans des hameaux jadis dépeuplés » ont-ils déclaré.
« Nous n’accepterons pas ce énième hold-up électoral »
Théâtrale a été l’arrivée de Birame Dah Abeid après que la foule ait été chauffée à blanc par les discours de réchauffe, les refrains des rappeurs et les danses des jeunes militantes. Bras tendus vers la foule en délire, Birame a pratiquement déchiré l’immense rassemblement, drapé d’un boubou bleu chemise blanche à moitié visible dans la voiture qui le conduisait vers la tribune.
Son discours ne dérogea guère à sa verve rhétorique. Un recueillement devant les morts de Kaédi, l’exigence d’une enquête sur ces évènements tragiques et leur règlement judiciaire, le refus de reconnaître la victoire de Ghazouani, l’engagement à poursuivre la lutte pour la rétrocession de sa « victoire volée » aux élections de juin 2024, et rappel des divers points inscrits sur la feuille de route qui avait été lue par son directeur de campagne, Yacoub Lemrabott, président du mouvement KAVANA.
Les « Ni Ni »
Pour ceux qui ne sont ni avec Birame ni rangé du côté du pouvoir, le président Ghazouani doit prendre de la hauteur pour comprendre le message d’une partie de la population (plus de 40%) qui aspire au changement. Il est surtout invité à apporter les solutions aux problèmes soulevés par tous ceux qui n’ont pas voté pour lui et qui demandent, entre autres revendications, un rééquilibrage dans les nominations, plus de justice sociale et plus d’intérêts aux aspirations du peuple.
Certains donnent le « Pacte Républicain » comme une référence dont il ne faut se départir, reprochant à Birame et à plusieurs pans de l’opposition de n’avoir pas adopté ce document. A rappeler que le « Pacte Républicain » a été dénoncé comme une démarche unilatérale et non consensuelle initiée par deux partis de l’opposition jugés non représentatifs sur l’échiquier politique avec le parti au pouvoir INSAF. Même si le contenu paraît aux yeux de certains opposants comme acceptable, ces derniers lui reprochent la démarche qui l’a sous-tendu.
Avis des détracteurs
Le meeting de la « Coalition Birame président 2024 » a été très suivie par l’ensemble des Mauritaniens, y compris le camp adverse.
Certains détracteurs de Birame sont étonnés de le voir « refuser de reconnaître Ghazouani comme président » et en même temps demander le dialogue avec le pouvoir qu’il représente.
D’autre part, ils accusent Birame d’être un extrémiste et un raciste à la solde des Forces de Libération Armée de Mauritanie (FLAM), une organisation née dans les années 80 de la lutte de quelques intellectuels négro-mauritaniens contre le système « beydane » selon leur terminologie. La branche active du mouvement et tout son directoire sont aux USA et en Europe, déportés et forcés à l’exil depuis plusieurs décennies.
Durant toute l’histoire politique de ces quarante dernières années, les FLAM sont ainsi agités comme un épouvantail par les différents régimes comme le danger qui menace la vie de la communauté arabe, dans une stratégie de conservation et d’unité de cet ensemble pour éviter qu’elle ne sorte du giron du pouvoir seul sensé les protéger.
Ainsi, pour éloigner l’électorat « beydane » de la candidature de Birame et pour contrer sa campagne de refus des résultats de l’élection présidentielle, le pouvoir a mis en place une stratégie de diabolisation, jouant sur la peur d’un complot ourdi pour déstabiliser le pays et accusant les FLAM d’être derrière ce plan. Samba Thiam, ancien membres des FLAM et qui a accepté de revenir au pays, sur la demande de l’ancien Président Sidi Cheikh Abdallahi, pour compétir dans l’arène politique, est pointé du doigt et jeté à la vindicte populaire. Président d’un parti politique non encore reconnu, les FPC, Samba Thiam paye les frais d’accusations montées de toutes pièces, selon ses proches.
C’est ce qui fera dire à Birame, « si Samba Thiam est si dangereux, pourquoi le pouvoir le laisse tranquille sans l’interpeller et démontrer au peuple mauritanien qu’il complote pour brûler le pays ».
Cheikh Aïdara
Feuille de route politique présentée par la coalition "Birame Président 2024"
Les dernières élections présidentielles ont conduit à une crise politique et sociale aiguë, ayant coûté la vie à de nombreux jeunes innocents et perturbant gravement la vie des citoyens et limitant leurs mouvements et communications.
Le régime actuel est entièrement responsable de cette escalade injustifiée après avoir manipulé le processus électoral et falsifié la volonté des électeurs de manière effrontée. Malgré cela, la compilation de nos résultats indique que M. Mohamed Ould Ghazouani ne peut pas être élu dès le premier tour ; par conséquent, nous rejetons les résultats fabriqués par la CENI.
Le gouvernement actuel détient la clé pour sortir de la crise et, s'il agit de manière sincère, la coalition sera ouverte aux négociations nécessaires pour résoudre la crise.
La coalition "Birame Président 2024", convaincue que l'intérêt supérieur de la nation prime sur toute autre considération et consciente de la nécessité de maintenir la sécurité publique et la sérénité des citoyens, présente la feuille de route politique suivante au régime actuel et à l'opinion publique nationale et internationale :
1. *Phase d'apaisement immédiat
- Libérer tous les prisonniers politiques (certains étant toujours détenus dans des casernes) avec l'élucidation de certains cas de disparition forcée.
- Mettre fin à l'état d'urgence non déclaré en retirant les forces de sécurité des rues des villes.
- Créer une commission d'enquête indépendante pour faire la lumière sur les événements douloureux de Kaédi et traduire les coupables devant la justice pour leur infliger les peines les plus sévères.
- Rétablir immédiatement le service de l'Internet.
- Autoriser les manifestations pacifiques.
- Abroger la loi sur les symboles et garantir les libertés publiques.
2. *Phase de dialogue national inclusif axée sur deux volets conduisant à :
*A) Volet électoral et démocratique
- Lever immédiatement l'interdiction de reconnaissance des partis politiques et appliquer la loi relative à la légalisation des partis en revenant au système déclaratif.
- Assurer le respect de la loi sur les libertés publiques et fondamentales (réunions, associations, liberté d'expression, manifestations, etc.).
- Revoir l'ensemble du processus électoral (code électoral, audit des registres, découpage électoral, financement, méthode de vote, mode de désignation du chef de l'opposition, recensement à vocation électorale, commission électorale consensuelle, etc.).
- Adopter la proportionnelle intégrale aux élections législatives, considérant la nation entière comme une seule circonscription électorale ; ce qui limitera la banalisation de la vie politique et renforcera l'harmonie et la cohésion nationales, avec un seuil de 3% des suffrages exprimés pour accéder au parlement pour tout parti politique.
- Dissoudre le parlement et organiser des élections législatives anticipées en adoptant la proportionnelle intégrale avec un seuil de 3% pour être éligible au parlement.
- Revoir les lois du code électoral pour établir une véritable démocratie permettant une alternance pacifique au pouvoir, par :
- la Dissolution de la commission électorale nationale indépendante et le choix d'une nouvelle commission composée de personnalités reconnues pour leur intégrité et leur probité.
- interdiction de l'inscription à distance sur les listes électorales et son bannissement en tant que source de fraude majeure en plus de l'élimination des bureaux de vote fictifs.
- Non-renouvellement de mandat pour tout membre actuel du Conseil constitutionnel et le choix des nouveaux membres parmi des personnalités juridiques indépendantes, éminentes et crédibles.
*B) Volet politique (discussion des questions profondes liées à l'unité nationale)
- Résoudre les questions complexes telles que le passif humanitaire et l'initiation d'une enquête qualitative et quantitative pour déterminer, de manière exhaustive, les contours de la problématique de l'esclavage et ses séquelles.
- Officialiser toutes les langues nationales.
- Réformer l’enregistrement biométrique.
- Organiser les Etats généraux de la nation pour réformer les institutions de l'État.
- Etendre l'assurance maladie universelle pour couvrir tous les citoyens.
- Prendre des mesures urgentes et immédiates en faveur des pauvres et des marginalisés, comme la réduction des prix des produits de première nécessité et leur stabilisation.
La coalition "Birame Président 2024" estime que ces mesures sont de nature à permettre une sortie de la crise actuelle et de poser les jalons d'une nouvelle ère marquée par la confiance et la coopération au service de l'intérêt général de notre peuple.
Nouakchott, le 21 juillet 2024