Potentiels et enjeux stratégiques de la production de gaz en Mauritanie

Les enjeux du gaz en Mauritanie

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Le projet de gazoduc Maroc-Nigéria, reliant l’Afrique de l’Ouest à l’Europe, prendra un nouvel élan par la découverte d’énormes gisements de gaz en Mauritanie. Ces nouvelles réserves gazières prouvées permettront d’une part de booster le développement économique de la Mauritanie et d’autre part d’améliorer la rentabilité et la viabilité du projet de gazoduc Maroc-Nigéria.
Potentiels et enjeux stratégiques de la production de gaz en Mauritanie
Le sous-sol mauritanien dispose de ressources naturelles diverses dominées par les ressources minières (Cuivre, Or, Fer, Uranium…), les ressources halieutiques et des ressources pétrolières marginales au moins avant le démarrage de la production de gaz naturel.

Ces nouvelles découvertes deviendront plus rentables après la construction prévue du gazoduc Maroc-Nigéria. Ce projet, une fois achevé, permettra d’acheminer le gaz vers l’Europe et à plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest.

A travers ce papier, nous retraçons l’évolution du potentiel de gaz naturel en Mauritanie et les enjeux stratégiques du début éminent de la production du gaz.

Le chemin de la découverte du gaz en Mauritanie

Le bassin offshore MSGBC (Mauritanie, Sénégal, Gambie, Guinée-Bissau et Guinée-Conakry), situé au large des côtes allant de la Mauritanie jusqu’en Guinée Conakry, présente un fort potentiel géologique pour la découverte de nouveaux gisements d'hydrocarbures. Les récentes découvertes de pétrole et de gaz dans la région ont confirmé ce potentiel et accru l'intérêt des investisseurs.

En 2001, la reprise de l’exploration pétrolière en Mauritanie a permis la découverte d’un grand champ pétrolier dans les eaux atlantiques du pays: le champ de Chenguiti. Or, ce gisement a été abandonné après une chute rapide de la production journalière de 75.000 barils par jour en 2006 à moins de 4.000 barils/jour en 2017.

Parallèlement, le gouvernement mauritanien a confié à British Petroleum des études de faisabilité pour l’exploitation du gisement de Grand Tortue après la découverte de réserves prouvées en 2015.

Le gaz du gisement de Grand Tortue a été découvert dans des pièges pétroliers dans les paléochenaux marins du delta du fleuve de Sénégal situé dans le large et plus précisément dans les frontières mauritano-sénégalaises.

Dans les mêmes conditions paléoenvironnementales (Chenaux), la continuité des travaux d’exploration a permis la découverte en 2019 d’un plus grand gisement : Gisement de Birallah.

Par ces découvertes consécutives, la Mauritanie va devenir parmi les leaders de gaz africains après le Nigéria, l’Algérie et le Mozambique.

Entrée de la Mauritanie parmi les pays disposant des plus grandes réserves de gaz naturel en Afrique (en Trillions de mètres cubes) Ce nouveau statut de leader africain est dû principalement à trois gisements de gaz : Le gisement de Grand Tortue (15 Trilions de pieds cubes), le gisement de Bir Allah (50 Trillions de pieds cubes), le gisement de Banda (1 trillion de pieds cubes).

L'exploitation de ce gisement promet des recettes exceptionnelles pour le pays, qui souffre de plusieurs problèmes freinant son développement économique. Le projet de GTA, à lui seul, devrait générer 150 millions de dollars par an, une fois les coûts d'investissement remboursés. Cette somme représente plus de deux fois les recettes provenant de l'accord de pêche de la Mauritanie avec l’union européenne (60 millions d'euros).

Bien que le pays regorge de richesses, ses habitants et son territoire ne semblent pas en profiter en raison des énormes capitaux nécessaires à leur mise en valeur. La dette nationale a atteint le niveau de 63,53% du PIB en 2023, tandis que 56,9% de la population vit dans une pauvreté multidimensionnelle.

En s'appuyant sur les expériences passées, le gouvernement affiche cette fois-ci une volonté politique claire : exploiter le gaz de manière responsable tout en investissant dans des projets plus durables et rentables, à savoir l'hydrogène vert et les énergies renouvelables. Néanmoins, la réalisation de ces ambitions nécessitera des fonds importants.

Démarrage du gisement Grand Tortue

Découvert en 2015, le gisement de Grand Tortue Ahmeyim (GTA) abrite 15 Trillions de pieds cubes (environ 424 milliards de mètres cubes) de ressources gazières confirmés.

Carte de localisation du Gisement Grand Tortue Ahmeyim Dans le gisement de Grand Tortue, le capital est divisé entre British petroleum (62%), Kosmos Energie (29%), la Société des pétroles du Sénégal- Petrosen (5%) et la Société Mauritanienne Des Hydrocarbures Et De Patrimoine Minier- SMHPM (5%).

Comme le gisement est situé à une profondeur supérieure à 2.500 mètres, l’exploitation prévoit l’installation d’une plateforme de production sous-marine en eau profondes constituée d’une unité flottante de production, de stockage et de déchargement (FPSO- floating production storage and offloading) et de puits sous-marins.

Dans le cadre de ce projet, l’unité GIMI a été mobilisée dans le cadre d’un contrat de LOA (Lease and Operate Agreement) d’une durée de vingt ans entre BP et Golar LNG qui débute une fois l’unité installée dans la plateforme de production. Cette plateforme permettra de produire environ 2,5 millions de tonnes par an (Mtpa) de GNL dans la première phase.

Le navire GIMI, Unité flottante de production, de stockage et de déchargement de gaz naturel (Source: BP) En raison de la pandémie de COVID 19, la livraison de l’unité GIMI a tardé et a impacté le début de l'entrée en production du gisement. Après son arrivée en début de l’année 2024, la première production est recalée au quatrième trimestre de l’année 2024. Les estimations de durée d’exploitation rentable devraient durer au moins 30 ans.

Développement du gisement de Birallah

Situé au Nord du gisement de Grand Tortue, le gisement Birallah abrite les réserves de gaz naturel les plus importante en Mauritanie. Elles sont actuellement évaluées à 50 trillions de pieds cubes ( 1,41 trillion de mètres cubes ou 1.410 milliards de m3).

Localisation du gisement Bir Allah (En cours de développement) Actuellement, le projet de Birallah est en phase de développement afin de valider ultérieurement la décision d’investissement dans ce projet porté par British Petroleum et Kosmos Energy. Cette phase d’exploration devrait durer 30 mois pour aboutir à une décision finale.

La participation de l’Etat Mauritanien dans ce projet a augmenté par rapport aux projets précédents et a atteint 29%.

Sauf complication, le début d’exploitation dans ce projet commencera vers l’année 2028 et devrait continuer jusqu’à 2060 où il devrait atteindre ses limites économiques.

Le gisement de Banda en quêtes d’investisseurs

Plus petit, le gisement de Banda présente des réserves confirmées d’environ 33,98 Milliards de mètres cubes. Initialement, l’exploitation de ce gisement a visé la production d’électricité à partir de gaz.

Carte de localisation du gisement de Banda Ce projet est en stand by après son abandon par l’entreprise exploitante Tullow oil.

Actuellement, le gouvernement mauritanien opte pour une nouvelle exploitation pour l’électrification cette fois-ci de l’industrie minière. Des études de faisabilité du projet sont en cours de réalisation.

Les challenges de la production du gaz en Mauritanie

Le gazoduc Maroc-Nigéria est un projet visant initialement d’acheminer le gaz nigérien vers l’Europe de l'Ouest en passant par plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest. Ce projet devrait être très bénéfique pour la Mauritanie car il va permettre d’une part de garantir une meilleure commercialisation et d’autre part de réduire les couts d’acheminement du gaz produit dans ce pays.

Aujourd’hui, l’Algérie commercialise plus de gaz que le Nigéria du fait de sa proximité avec l’Europe et aussi pour son investissement dans trois principaux gazoducs.

Outre les opportunités, la Mauritanie fait face à un défi qui réside dans le départ de plusieurs compagnies d’exploration. Entre 2019 et 2024, plusieurs grandes compagnies ont quitté l’exploration de l’offshore de la Mauritanie (Total, Shell, Exxon…), ne laissant que BP et Kosmos Energy sur les projets de Birallah et Grand Tortue.

Ces départs ont été expliqués par des spécialiste de plusieurs manières dont :

- L’exploration par forage sauvage (wildcat drilling) est une méthode d’exploration très coûteuse et à haut risque et seules les grandes compagnies peuvent investir dans de tels projets.

- L’intérêt pour l’offshore mauritanien a atteint son apogée et la probabilité de découverte de gisement plus important est considérée comme faible.

-Malgré la politique de porte ouverte, le gouvernement mauritanien doit mettre en place des encouragements fiscaux pour attirer de nouveaux investisseurs.
MEDIA 24