Notice sur la levée d’immunité parlementaire, ou comment se débarrasser d’un député de l’opposition en Mauritanie

L'éditorial de L'Authentique

CHEIKH AIDARA MAGHAMA

Avec le régime finissant de Ghazouani qui se cherche un second souffle lors de la présidentielle de juin 2024, les Mauritaniens sont soumis à un véritable diktat sous l’égide de l’omnipotent ministre de l’Intérieur, Mohamed Ahmed Ould Mohamed Lemine dit Ould Houeirthi. Avec lui, le pays a touché aux bas-fonds de toutes les violations de la loi. En fait, la loi n’existe plus et seul prévaut la puissance de ce super ministre qui s’est arrogé toutes les prérogatives du droit.

Avec lui, la Mauritanie connaît les pires moments de son histoire, en termes d’inféodation des deux autres pouvoirs, le judiciaire et le parlementaire, sous le joug de l’Exécutif dont il est l’éminent orchestre.

D’abord, la liberté d’expression, de manifestation et de se regrouper, ont été bannis. Toutes les manifestations légitimes des porteurs de droits sont matées dans le sang par une police anti-émeute transformée à l’occasion du quinquennat finissant en bouledogues à la solde de leur maitre. Aucun parti politique en dépôt devant ses instances n’est plus reconnu.

La Place de la Liberté, la Mecque de tous les mécontents de la République, est devenue le nouveau « charnier » de toutes les libertés. Des médecins, des travailleurs, des victimes de l’injustice sociale et administrative, des rescapés des purges ethniques des années de braise, des assoiffés des lointaines régions de l’intérieur du pays, des déguerpis par de puissants lobbies terriens…Tous ont essuyé de larmoyantes bombes lacrymogènes, porté les stigmates de coups de matraques, au milieu de cris de désespoirs, de larmoiements, d’os brisés et d’habits déchirés.

Mais la bonne trouvaille du Ministre de l’Intérieur, c’est la note conceptuelle sur la levée d’immunité parlementaire contre les députés de l’opposition, notamment les plus virulents et les plus criques de l’action gouvernementale. Cela, en toute orchestration avec le ministre de la Justice et l’ancien général d’armée propulsé à la tête de l’Assemblée Nationale.

En moins d’une année, trois députés de l’opposition ont fait les frais de cette nouvelle trouvaille, sous couvert de reproches alambiqués. Le premier, c’est le député Ould Mohamed Vadel, l’auteur du pamphlet « Aar » contre l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz. Si cette salve satirique est passée sous ce dernier, avec le nouveau ministre de l’Intérieur dont la principale préoccupation est la chasse aux opposants, sa sortie pamphlétique et anecdotique sur Ghazouani lui a valu la levée d’immunité puis un bon séjour en prison.

Le deuxième à passer sous le couperet, c’est le président du mouvement IRA et ennemi juré des pouvoirs de Aziz et de Ghazouani, Birame Dah Abeid. Déjà, la reconnaissance de son mouvement antiesclavagiste IRA a été très mal digérée par Ould Houerthi qui s’est juré de ne jamais lui accorder une reconnaissance politique à travers le projet RAG, même si ce parti remplit toutes les conditions légales.

Dans le cas de Birame, la levée d’immunité est partie d’une plainte déposée par le parti UFP, plainte qui n’a pas connu de suite judiciaire, puisque sa candidature à la présidentielle de juin 2024 est presque validée.

Dernier cas en cours, la cabale contre le député du même bord que Birame, Marième Cheikh Dieng, connue pour sa hardiesse et ses sorties pimentées contre les tenants de l’ordre social et politique. Elle a toujours été dans le collimateur du pouvoir.

Sa détention actuelle depuis 9 jours dans un commissariat de police d’Arafat à Nouakchott est la preuve la plus visible du peu de cas que le régime de Ghazouani accorde au droit et aux lois républicaines. Suite à une bagarre où elle fut plus qu’une victime, elle a été arrêtée, traînée dans une salle du commissariat d’Arafat 2, elle et ses cobelligérantes.

Le juge d’instruction devant laquelle elle a été déférée s’est dit incompétent à l’écouter puisqu’elle jouit de son immunité parlementaire et l’affaire a été renvoyée devant la chambre des accusations.

En toute apparence, le sort de Marième Mint Cheikh échappe à toutes les normes légales, selon son avocat, Cheikh Hindi, ancien bâtonnier de l’Ordre national des avocats mauritaniens.

Cheikh Aïdara