Le rapport 2022–2023 de la Cour des comptes provoque une onde de choc politique
Le rapport 2022–2023 de la Cour des comptes
- Publié par Aidara cheikh --
- Tuesday, 14 Oct, 2025

La publication du rapport annuel 2022–2023 de la Cour des comptes a suscité un vif émoi sur la scène politique mauritanienne.
Ce document très attendu met en évidence de nombreuses irrégularités dans la gestion des finances publiques au sein de plusieurs ministères et institutions. Parmi les problèmes relevés figurent des infractions dans les marchés publics, des déficiences en matière de contrôle interne et une gestion défaillante des ressources de l’État.
Réagissant à ces révélations, la députée Mouna Mint Dey a dénoncé une situation alarmante, déclarant que la corruption gangrène l’appareil de l’État.
Elle s’est interrogée publiquement sur les mesures qui seront prises : « Maintenant que les faits sont établis, que compte faire le pouvoir ? Va-t-il laisser les personnes impliquées continuer à occuper leurs postes ? » Elle a insisté sur le fait que la Cour des comptes a accompli sa mission, et que c’est désormais au gouvernement de passer à l’action en sanctionnant les responsables et en les écartant de toute fonction de gestion.
Le député Mohamed Ould Yahya, de son côté, a estimé que les conclusions du rapport ont eu l’effet d’un électrochoc sur l’opinion publique. Il a appelé à un recensement précis des personnes citées, suivi de leur révocation immédiate et de poursuites judiciaires pour les cas de malversations graves.
Chaque année, le rapport de la Cour des comptes joue un rôle central dans le suivi de la gestion des fonds publics. Toutefois, les réactions à l’édition 2022–2023 montrent une attente croissante de la population et des élus : que les constats soient désormais traduits en actions concrètes, notamment par des enquêtes judiciaires et des mesures exemplaires à l’encontre des auteurs de détournements.
Le député Yahya Ould Loude accuse le Premier ministre de diversion médiatique
Le député Yahya Ould Loude a vivement critiqué le Premier ministre Mokhtar Ould Djay, qu’il accuse de détourner l’attention de l’opinion publique à travers des visites de terrain « sans impact réel », alors que le pays attend toujours des suites concrètes au rapport explosif de la Cour des comptes.
Dans une publication diffusée sur ses réseaux sociaux, l’élu affirme que ces déplacements sont une tentative maladroite de faire oublier le scandale révélé par le rapport, qu’il qualifie de « véritable séisme ». Selon lui, la rue mauritanienne réclame des actions fermes contre la corruption, et non des « séances de communication devant des infrastructures délabrées ».
Le parlementaire considère que la responsabilité politique incombe désormais au président de la République, qui s’est engagé publiquement à ne faire preuve d’aucune indulgence envers les auteurs de malversations. « Toute complaisance dans ce dossier aura un coût politique et moral élevé », a-t-il averti.
Dans ses critiques, Yahya Ould Loude vise également le passé du Premier ministre, rappelant que le rapport de la Cour des comptes de 2018 l’avait déjà mis en cause lorsqu’il occupait le portefeuille des Finances, et soulignant les défaillances relevées dans la gestion du programme d’urgence.
Selon le député, les manœuvres actuelles du chef du gouvernement ne font qu’exacerber la frustration populaire, en « versant de l’huile sur le feu ». Il appelle à une explication claire du chef de l’État sur la situation actuelle et à des mesures concrètes pour empêcher le retour de telles dérives.
« Les citoyens attendent des décisions courageuses, pas des mises en scène. Le pays a besoin de justice, pas de communication », conclut Yahya Ould Loude, appelant à la traduction en justice de tous ceux impliqués dans le détournement des fonds publics.
Président de la Cour des Comptes : La Cour exerce ses pouvoirs en toute liberté et sans aucune ingérence
Le président de la Cour des Comptes, M. Hmeyda Ahmed, a affirmé que la Cour exerce aujourd’hui ses fonctions et ses pouvoirs en toute liberté, sans aucune ingérence de quelque partie que ce soit.
Il a souligné que le rapport annuel de la Cour est publié régulièrement au cours des cinq dernières années, précisant que cette ouverture sans précédent s’inscrit dans la volonté des plus hautes autorités de l’État de consolider la transparence et la reddition de comptes.
Le président de la Cour des Comptes qui s’exprimait dans une conférence de presse organisée ce lundi après-midi remercié la presse “d’avoir répondu à une invitation, qui s’inscrit dans une pratique bien établie au sein des Cours des Comptes du monde entier celle d’informer l’opinion publique des principales observations et recommandations issues de leurs travaux.”
Il a ajouté que “c’est dans cet esprit de transparence et de pédagogie que (la Cour présente) aujourd’hui le Rapport Général Annuel 2022-2023 de la Cour des Comptes” qui est, en soi, “une publication historique au service de la transparence.”
Il a rappelé que le rapport annuel de la Cour des comptes “est publié régulièrement depuis ces cinq dernières années” et que “cette ouverture sans précédent s’inscrit dans la volonté des hautes autorités de l’Etat de promouvoir la transparence et la reddition des comptes”. “Le Président de la République a, à plusieurs reprises, souligné les insuffisances du travail administratif et appelé à une gestion plus rigoureuse, rationnelle et transparente des ressources publiques”, a-t-il poursuivi.
Le président de la Cour des Comptes a poursuivi en disant que “la loi à elle seule ne suffit pas à assurer cette indépendance; elle requiert aussi une volonté politique forte. Grâce à cette confiance, la Cour peut aujourd’hui exercer ses missions en toute liberté et sans ingérence”.
En ce qui concerne la mission et le rôle de la Cour, il a indiqué que l’institution “agit conformément à la loi organique n° 2018-032 relative à son organisation et à ses compétences. Elle contribue, par son travail permanent et régulier, dans les domaines de l’audit, de l’évaluation, de l’information et du conseil, à :
• La protection des derniers publics;
• L’amélioration des méthodes et technique de gestion:
• La rationalisation du travail administratif;
• Et l’évaluation des politiques publiques.
Il a poursuivi en disant qu’il importe de rappeler que la Cour des Comptes “n’est pas seulement un organe d’audit et de conseil, mais aussi une juridiction financière.
En vertu de la loi organique précitée, elle dispose du pouvoir de sanctionner les fautes de gestion par des amendes ou des astreintes, de prononcer des arrêts exécutoires à l’encontre des gestionnaires publics, et de transmettre à la justice les cas de fraude ou de détournement avérés.
Ce pouvoir, exercé dans le respect du contradictoire et du droit à la défense, vise à établir la discipline budgétaire sans jamais compromettre la justice ni l’équité.”
Abordant la question des procédures d’élaboration du rapport, le président de la Cour des Comptes a déclaré : ” Le rapport que nous présentons aujourd’hui est le résultat d’un travail collectif et rigoureux menés par les magistrats de la Cour.
II est le fruit de plus d’une année de vérifications minutieuses, d’entretiens, de contrôles sur place et de contre expertises techniques. Chaque constat a été confronté aux réponses des administrations concernées avant d’être validé en chambre de conseil.
Le rapport repose sur une méthodologie éprouvée, articulée autour de :
• La planification annuelle des missions d’audit et de vérification;
• Les contrôles sur pièces et sur place effectués dans les ministères, entreprises publiques et collectivités;
• Des audits financiers, de performance et de conformité couvrant l’exécution budgétaire, la commande publique et les flux financiers;
• Une phase contradictoire, permettant aux responsables concernés de répondre aux observations;
• Et enfin, l’adoption du rapport en chambre de conseil avant sa transmission et sa publication. Cette démarche vise à garantir la rigueur, l’équité et l’objectivité de nos constats.”
Après avoir présenté un résumé succinct du rapport, le président de la Cour des Comptes a tenu à “préciser que les observations contenues dans ce rapport concernent des erreurs, des dysfonctionnements administratifs, des fautes de gestion et des vices de procédure pour lesquels la Cour a formulé des recommandations correctives dans ce rapport. La Cour suivra et sanctionnera les fautes de gestion relevant de sa compétence en matière de discipline financière. Quant aux irrégularités donnant lieu à des sanctions disciplinaires, la Cour contactera le Pouvoir exécutif afin de prendre les mesures nécessaires.”
Il a souligné qu’il ressort clairement de ce rapport “qu’aucun fait susceptible d’être qualifié de fraude ou de détournement de fonds n’a été constatée dans les dossiers soumis à l’audit” et, aussi que, “une dépense engagée sur un mauvais chapitre budgétaire ne signifie pas nécessairement un détournement, mais une erreur à corriger. De même, l’absence d’assurance obligatoire n’est pas une perte financière, mais une non-conformité à rectifier à l’avenir.”
L’objectif central du rapport est d’améliorer la gestion publique, “pas de stigmatiser, mais d’ouvrir un débat constructif sur les moyens d’améliorer la gestion des ressources publiques”.
Enfin, le président de la Cour des Comptes a tenu à rappeler que ce rapport “ne doit en aucun cas être utilisé à des fins politiques de déstabilisation, ni servir de prétexte à des règlements de comptes personnels ou partisans. Il ne doit pas non plus être une source de polémique, mais bien un outil de réforme, de progrès collectif et de consolidation de la transparence publique. La Cour invite également les citoyens, les médias et la société civile à accompagner ses efforts par un suivi objectif, responsable et constructif, dans le respect de la vérité des faits.”
Lô Gourmo Abdoul : « Des réformes profondes s’imposent » après le rapport de la Cour des comptes
Le professeur Lô Gourmo Abdoul, vice-président de l’UFP, appelle à des réformes structurelles profondes en réaction au rapport 2022-2023 de la Cour des comptes.
En réaction à la publication du rapport 2022-2023 de la Cour des comptes, le professeur de droit public Lô Gourmo Abdoul, vice-président de l’Union des forces progressistes (UFP), a appelé à des réformes profondes du système de gouvernance en Mauritanie.
Sur son mur Facebook, il a résumé en une phrase tranchante l’urgence de la situation : « L’exigence impérative de réformes profondes : voilà la vraie révélation du rapport de la Cour des Comptes. Exactement comme les précédents ! ».
Le rapport 2022-2023 de la Cour des comptes a de nouveau mis en lumière des dysfonctionnements persistants dans la gestion des finances publiques mauritaniennes. Manquements dans la transparence, irrégularités comptables, retards dans les redditions de comptes, et faiblesse des mécanismes de contrôle interne : autant de constats récurrents qui, selon de nombreux observateurs, traduisent un malaise institutionnel profond.
C’est dans ce contexte que le professeur Lô Gourmo Abdoul, enseignant de droit public à l’Université du Havre (France) et vice-président de l’Union des forces progressistes (UFP), a réagi publiquement. Dans un court message publié sur sa page Facebook, il résume en une formule incisive le sentiment d’usure qui gagne la société civile : « L’exigence impérative de réformes profondes : voilà la vraie ‘révélation’ du rapport de la Cour des Comptes. Exactement comme les précédents ! »
Par ces mots, le juriste souligne que les rapports successifs de la Cour des comptes ne font que confirmer un diagnostic désormais bien connu : celui d’une gestion publique insuffisamment réformée, où les mêmes défaillances se répètent, sans qu’une réponse structurelle ne soit apportée.
Un appel à la refondation institutionnelle
Pour le Pr Lô Gourmo Abdoul, l’enjeu dépasse la simple correction des irrégularités financières. Il s’agit, selon lui, d’engager une véritable refondation du cadre institutionnel et des pratiques administratives. « Tant que les mécanismes de contrôle resteront formels et que la responsabilité publique ne sera pas clairement engagée, ces rapports resteront des documents de constat, sans effet réel sur la gouvernance », affirment plusieurs analystes proches de sa formation politique.
Cette lecture rejoint celle de nombreux observateurs nationaux et internationaux, qui appellent à une modernisation de la gestion publique, à une indépendance accrue des organes de contrôle, et à une application rigoureuse des recommandations de la Cour des comptes.
Un débat relancé sur la transparence et la responsabilité
La réaction du vice-président de l’UFP s’inscrit dans un débat plus large sur la transparence de l’État et la lutte contre la mauvaise gouvernance. En Mauritanie, la publication des rapports de la Cour des comptes est souvent suivie de commentaires politiques, mais rarement de mesures correctives concrètes.
De plus en plus de voix s’élèvent pour que ces rapports soient non seulement publiés, mais aussi délibérés publiquement devant le Parlement, et fassent l’objet de plans d’action suivis.
Vers une prise de conscience collective ?
En dénonçant le caractère répétitif des constats formulés par la Cour des comptes, le Pr Lô Gourmo Abdoul met le doigt sur un problème de fond : l’absence de volonté politique de réforme. Sa sortie illustre une exaspération partagée par une partie de l’élite intellectuelle mauritanienne, qui voit dans la récurrence de ces manquements le signe d’un modèle de gouvernance en crise.
Reste à savoir si, cette fois, le nouveau rapport de la Cour des comptes pourra provoquer un électrochoc institutionnel ou s’il rejoindra, comme les précédents, la longue liste des alertes sans lendemain.
Encadré : Qui est Lô Gourmo Abdoul ?
Professeur de droit public à l’Université du Havre en France, Lô Gourmo Abdoul est une figure intellectuelle respectée et un acteur politique engagé. Membre fondateur de l’Union des forces progressistes (UFP), il en occupe actuellement le poste de vice-président.
Connu pour ses prises de position lucides et souvent critiques, il plaide depuis plusieurs années pour une modernisation institutionnelle, un État de droit effectif, et une gouvernance fondée sur la transparence et la responsabilité.
Rapide info
- Rapport annuel de la Cour des comptes : le président de l’institution temporise
Le président de la Cour des comptes mauritanienne, Ahmed Ould Ahmed Taleb, a déclaré que les observations contenues dans le rapport annuel concernaient des erreurs administratives et de gestion, soulignant qu’aucune pratique pouvant être qualifiée de fraude ou de détournement n’avait été constatée.
Ould Ahmed Taleb a ajouté lors d’une conférence de presse tenue lundi après-midi que la Cour allait suivre et sanctionner les erreurs de gestion relevant de ses compétences en matière de discipline financière.
Il a précisé que les infractions passibles de sanctions disciplinaires feraient l’objet d’une notification à l’autorité exécutive afin que celle-ci prenne les mesures nécessaires.
Le président de la Cour des comptes a par ailleurs déclaré que la publication du rapport général de la Cour ne devait pas être utilisée pour déstabiliser la situation politique ou régler des comptes personnels ou partisans.
Pour le président de la Cour le rapport était un acte de transparence et de responsabilité, reflétant la volonté de l’État et de la Cour de mettre en place une administration plus efficace et plus intègre.
Ould Ahmed Taleb a appelé les citoyens et les médias à poursuivre leurs efforts de manière objective, responsable et constructive, affirmant que la Cour continuerait à travailler avec transparence et rigueur pour garantir que chaque ouguiya soit dépensée dans l’intérêt des citoyens et de l’avenir du pays, selon ses propres termes.
Ces derniers jours, les réseaux sociaux ont été le théâtre d’un vaste débat après la publication par la Cour des comptes de son rapport annuel pour la période 2022-2023, qui a révélé de graves irrégularités et abus dans la gestion financière et administrative d’un certain nombre de secteurs gouvernementaux.
Jemil Mansour : « Des centaines de milliards égarés… sans fraude ni détournement ? »
Jemil Mansour : « Des centaines de milliards égarés… sans fraude ni détournement ? » Dans une série de réflexions publiées sur sa page Facebook, Mohamed Jemil Ould Mansour, président du parti Front pour la Citoyenneté et la Justice (JAMAA), a vivement réagi aux déclarations du président de la Cour des comptes, qui affirmait que les irrégularités relevées dans le dernier rapport ne relevaient « ni de la fraude ni du détournement ».
Ould Mansour s’interroge : « Que devons-nous comprendre lorsque le président de la Cour affirme que ce qui est constaté ne relève pas du détournement ou de la fraude, alors que le rapport fait état de la disparition de centaines de milliards ? »
Et d’ajouter : « Si ce n’est pas du détournement, alors s’agit-il simplement d’un grave relâchement dans la gestion, d’un abandon des responsabilités, d’un manque de probité dans la gestion des ressources publiques ? »
Pour le dirigeant politique, il est injustifiable de considérer qu’un acte ne constitue pas de la corruption sous prétexte qu’il n’implique pas un détournement direct ou une fraude manifeste :
« N’est-il pas suffisant, pour parler de corruption, qu’il y ait mauvaise gestion, violation des règles budgétaires ou erreurs administratives graves ? », s’interroge-t-il.
Ould Mansour salue néanmoins la publication du rapport de la Cour des comptes, et les discussions autour d’un éventuel rapport de l’Inspection Générale d’État (IGE), estimant qu’il s’agit là d’un pas important, à encourager, car cela implique le citoyen dans le débat national sur la corruption.
Mais, nuance-t-il, le plus important reste les suites concrètes qui doivent être données à ces rapports, que ce soit par les hautes autorités, les institutions compétentes ou les instances judiciaires.
En conclusion, Mohamed Jemil Ould Mansour met en garde contre la complaisance :
« La période que nous vivons et les espoirs qu’elle porte ne sauraient tolérer le retour aux pratiques anciennes : ni les fraudeurs notoires, ni les violeurs des règles, ni ceux qui ont trahi la confiance publique ou dilapidé les ressources de l’État n’ont leur place dans l’avenir que nous voulons construire. »