L’ignorance sacrée : les racines du sous-développement et de la pauvreté en Mauritanie

les racines du sous-développement et de la pauvreté en Mauritanie

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Dans un pays où le désert s’étend à l’infini, où la richesse dort sous le sable et la mer, la Mauritanie demeure paradoxalement l’une des nations les plus pauvres du continent.

Riche en or, en fer et en poissons, elle reste pourtant prisonnière de la misère.

Pourquoi une telle contradiction ?

La réponse ne se limite pas à la mauvaise gouvernance ou à la corruption : elle réside aussi dans ce que l’on pourrait appeler « l’ignorance sacrée » – un système de pensée et de valeurs qui a sanctifié la résignation, vidé l’éducation de sa substance et transformé la soumission en vertu sociale.

Un système éducatif qui fabrique l’ignorance

Au lieu d’être un levier d’émancipation, l’école mauritanienne est devenue une fabrique d’analphabètes.

Les programmes sont obsolètes, les infrastructures défaillantes, les enseignants démotivés, et les élèves abandonnent très tôt les études pour subvenir aux besoins familiaux.

De génération en génération, la pauvreté se transmet comme un nom de clan, et l’ignorance devient un marqueur identitaire.

L’école, censée ouvrir les esprits, se contente de reproduire l’injustice sociale.

La tribu, une entrave à la modernité

La tribu, jadis refuge solidaire, s’est muée en pouvoir parallèle à l’État.

Elle protège les corrompus, oriente les allégeances politiques et distribue les postes selon la logique du « fils du cousin avant le compétent ».

Dans ce système, l’appartenance l’emporte sur le mérite, la loyauté sur la compétence.

Ainsi, le tribalisme n’est plus un simple héritage culturel : il est devenu un frein structurel au développement, un ciment de l’immobilisme.

La foi dévoyée : entre religion et manipulation

Pays du million de poètes et du million de mémorisateurs du Coran, la Mauritanie se présente comme un bastion de la foi.

Mais cette religiosité, au lieu d’être une force de justice et de libération, est trop souvent exploitée pour justifier le silence et la soumission.

Certains discours religieux détournés glorifient la patience face à l’injustice et prêchent l’obéissance aux puissants.

La religion devient alors le bouclier des inégalités et l’alibi du statu quo : l’ignorance se fait sacrée, protégée par le verbe des faux dévots.

La corruption, fille de l’ignorance

Là où l’ignorance règne, la corruption prospère.

Un citoyen qui ignore ses droits ne les réclame pas ; un gouvernant qui pille sans contrôle trouve dans l’ignorance populaire sa meilleure protection.

Les compagnies étrangères exploitent les ressources, les élites locales encaissent les commissions, et le peuple n’en voit que les miettes.

Ainsi, l’« ignorance sacrée » nourrit un système où l’État s’efface au profit du clan, et où l’intérêt général se dissout dans les calculs privés.

Pour rompre le cercle

La pauvreté mauritanienne n’est ni une fatalité ni une malédiction divine.

Elle est le fruit d’un modèle mental qui a sacralisé l’ignorance et banalisé la dépendance.

Tant que l’éducation ne sera pas délivrée de la médiocrité, la foi de la manipulation et la politique du tribalisme, la Mauritanie restera un pays riche de ses ressources mais pauvre de son destin – prisonnière de son ignorance sacrée.

Mohamed Abdrahmane Ould Abdallah

Journaliste – Nouakchott