20ème édition du Festival sur le Niger, près de 10.000 acteurs culturels venus de 30 pays
Festival du Niger du 31 janvier au 4 février 2024 à Ségou au Mali
- Publié par Aidara cheikh --
- Saturday, 03 Feb, 2024

Le Festival sur le Niger de Ségou au Mali, encore dénommé Ségou Art Festival, est l’un des plus grands évènements culturels en Afrique Subsaharienne. La 20ème édition qui s’est déroulée du 31 janvier au 4 février 2024, a attiré près de 10.000 acteurs culturels de trois continents, Afrique, Europe et Amérique Latine.
Les couleurs de la 20ème édition de Ségou Art Festival ou Festival sur le Niger, a été annoncé dès le 13 janvier 2024 par la conférence de presse de lancement et la prestation des lauréats de la 10ème édition du concours « Kora époque » avec la présence de plusieurs jeunes talents du Mali.
Ouverture officielle
C’est le 31 janvier 2024 que la foire Ségou Art du festival sur le Niger a démarré sur les berges du Quai du fleuve Niger par une ouverture officielle présidée par le Premier ministre du Mali Dr. Choguel Maiga, en présence du Ministre des Affaires Etrangères et du Ministre de l’Artisanat.
L’ouverture officielle a été suivie par des méga concerts animés par des artistes maliens de renom, Fatime Diabaté, Abdoulaye Diabaté et Fardo Kôré Yeelen, mais aussi le groupe Balazan, Maman Boro, Omar Konaté et bien d’autres artistes.
A été lancée en même temps, la foire artisanale et agricole de Ségou, plus d’autres manifestations dans divers autres sites de la ville, notamment le village du festival dénommé la Fondation.
Le Ségou Art des Enfants fut également l’une des attractions de l’évènement avec l’initiation des tout-petits à la peinture sous la férule du maestro Souleymane Ouologuem, artiste-peintre qui a permis à ses poulains d’exposer leurs œuvres tout au long du festival.
Pendant plusieurs jours, ce fut une succession de programmations, avec la danse des marionnettes géantes, les troupes venues de Mopti, les femmes Kôré Douga de Ségou et leurs accoutrements pittoresques.
Mais le plein de monde, avec des files qui se sont étendus à des kilomètres de l’entrée de la Fondation, a eu lieu lors de la prestation des monstres de la musique malienne, Salif Keïta et Sidiki Diabaté qui ont enflammé la ville de Ségou.
Le vernissage des expositions photos et tableaux d’art qui ont eu lieu le 2 février 2024 à la Fondation, a été marqué par le discours prononcé par le Premier ministre Choguel Maiga qui est revenu sur le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO, une organisation sous-régionale qu’il considère nocive pour les trois pays. Il a également fustigé l’attitude de l’Algérie par rapport aux négociations de paix rompues par le Mali avec les mouvements séparatistes du Nord qu’il qualifie de « bandits ».
Tables-rondes
Le Festival Ségou Art, ce n’est pas seulement des divertissements et de l’art pur, mais c’est aussi l’occasion de profondes réflexions autour de la culture.
Une table-ronde sur le marché du streaming musical et la rémunération des artistes a ainsi été animée à l’Institut Kôré de Ségou par deux experts dans le domaine, le Sénégalais Aziz Dieng, président du Conseil permanent des droits d’auteurs et des droits connexes de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), et l’Ivoirien Guy Constant Mezan, Country Manager.
Aziz Dieng a mis l’accent sur les problèmes de streaming en Afrique et la faible rémunération des artistes. Il a mis en exergue l’explosion de la demande en matière de musique en Afrique, un continent où plus de 60% de la population a moins de 24 ans. Il a déploré la faiblesse de la monétisation digitale alors que des plateformes comme YouTube refusent de rémunérer les artistes africains même s’ils sont suivis par des millions de fans.
Selon lui, l’argument avancé par YouTube lié à la faible couverture publicitaire ne tient pas. D’où, suggère-t-il, l’impérative implication des autorités africaines pour négocier avec les plateformes digitales afin que les artistes africains puissent bénéficier des mêmes opportunités de monétisation que les autres artistes ailleurs dans le monde.
La solution partagée par la salle et qui consiste à mettre en place un marché digital purement africain se heurte cependant à des défis d’ordre politique, financier et organisationnel, selon Aziz Dieng, car le combat selon lui, doit être mené par les organisations professionnelles, afin de pousser les décideurs politiques au niveau continental à prendre les décisions bénéfiques aux artistes africains. « Seul, aucun pays ne pourra s’en sortir » a-t-il conclu.
Même son de cloche du côté de Guy Constant Mezan, qui a également dénoncé l’attitude des plateformes comme Spotify qui exploite les musiques africaines ou Youtube qui permet de générer beaucoup de revenus pour les acteurs culturels mais dont les productions en Afrique ne sont pas monétisées. Il s’est également longuement étendu sur le problème de rémunération des artistes, s’indignant devant le taux ridicule qui leur est accordé dans ce cadre, citant l’exemple de la Côte d’Ivoire. Selon lui, il y a cinq ans, les artistes ne recevaient pas plus de 100 à 200 euros par mois, en l’absence de toute règlementation pour fixer des barêmes. Aujourd’hui, dit-il, les artistes parviennent à obtenir des avances qui peuvent aller jusqu’à des dizaines de millions de franc cfa en quelques mois. Il a fait aussi appel à la diaspora africaine en Europe et aux USA pour pallier cette injustice de l’industrie digitale pour qui le nombre de vue en Afrique ne compte pas, même avec plusieurs millions de followers sur le continent.
Plusieurs orateurs sont intervenus, à l’image de la Directrice des Arts du Sénégal, Mme Khoudia Diagne, du président du réseau Arterial Network, M. Babylass Ndiaye, de la présidente du réseau Kya, Mama Koné, ou encore des monuments de la culture malienne, comme Cheikh Oumar CIssoko, Abdoulaye Mandé, Yaya Coulibaly ou encore Yaya NDao de l’Unesco.
Une autre table-ronde a été organisée par ECOFEST AFRICA sur le thème : « labélisation des festivals Vert et conservation des bonnes pratiques écologiques ». Il a été animér plusieurs experts, dont le président du Festival sur le Niger, Mamou Daffé.
Cette table-ronde a permis un large échange d’expériences sur la gestion des déchets générés par les festivals.
La nuit du pagne tissé
L’une des plus grandes innovations du Festival sur le Niger cette année, est sans nul doute la « Nuit du Pagne Tissé » qui débloque son compteur en tant que première édition du genre. Il s’agit d’un concours de défilés de mode avec la participation de plusieurs stylistes maliens. Le défi est d’offrir, à partir de tissus maliens fabriqués sur le plan local, une variété d’habits et de vêtements riches en couleur et en qualité Made In Mali. L’objectif est de valoriser et de conserver les richesses culturelles et le patrimoine vestimentaire malien pour encourager l’industrie locale de la mode et le consommer local.
Six stylistes étaient en compétition et le résultat des défilés portés par de jeunes filles et des garçons triés sur le volet, a dépassé toutes les attentes. Le public est resté sous le charme et le jury aura certainement du mal à trancher, car les spectateurs ont été unanimes sur la beauté des produits présentés.
Le festival sur le Niger s’achève ainsi sur des notes heureuses et le public s’est d’ores et déjà donné rendez-vous pour la 21ème édition prévue en 2025.
A noter qu’en marge du festival, le réseau Arterial Network s’est réuni avec son affilié au Mali, le réseau Kya qui regroupe en son sein 56 associations. D’autres affiliés de la Guinée, du Burkina Faso, du Sénégal et de la Mauritanie avaient aussi pris part à cette rencontre qui avait pour thème le réseautage entre les deux structures.
Cheikh Aïdara
Ségou